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La semaine de la procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
01/02/2021
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale, la semaine du 25 janvier 2021.
Chambre de l’instruction – droits de la défense – droit de se taire
« L’enfant B... Y... âgé de dix mois, a été retrouvé inconscient alors qu’il était sous la garde de Mme A... X..., assistante maternelle.
Les lésions constatées sur l’enfant évoquant des traumatismes par secouement, une information a été requise des chefs de violences sur un mineur de 15 ans suivie de mutilation ou infirmité permanente, puis, compte tenu du décès du nourrisson, étendue à des faits de violences sur mineur de 15 ans ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne ayant autorité.
Mme X..., mise en examen au cours de l’information, a été à l’issue de celle-ci mise en accusation de ce dernier chef.
Le procureur de la République et Mme X... ont relevé appel de cette décision.
 
Toute personne qui comparaît devant la chambre de l’instruction, saisie de l’appel formé contre l’ordonnance du juge d’instruction la renvoyant devant une cour d’assises, doit être informée de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.
Il résulte de l’arrêt attaqué que la chambre de l’instruction a examiné l’appel formé contre l’ordonnance mettant en accusation Mme X... en présence de cette dernière.
Les énonciations de l’arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la personne mise en examen n’a pas comparu au sens de l’article 199 du Code de procédure pénale et n’a à aucun moment, au cours des débats, été entendue sur les faits qui lui sont reprochés ou sur la nature des charges pesant sur elle.
Dès lors, les juges n’avaient pas l’obligation de l’informer de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.
Le moyen sera en conséquence écarté ».
Cass. crim., 27 janv. 2021, n° 20-86.037, P+B+I *
 
 
Détention provisoire – révocation du contrôle judiciaire – motivation  
« M. X..., mis en examen des chefs précités le 12 septembre 2019, a été placé en détention provisoire, puis libéré sous contrôle judiciaire le 18 juin 2020, avec diverses obligations.
Le 2 octobre 2020, le juge d’instruction a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de révocation du contrôle judiciaire. À la suite du refus de ce magistrat, le procureur de la République a interjeté appel de la décision.
 
Pour infirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention et ordonner la révocation du contrôle judiciaire de M. X... et son placement en détention provisoire, l’arrêt attaqué énonce qu’il résulte de la procédure et notamment d’interceptions téléphoniques et d’une géolocalisation de ligne que l’intéressé a violé à de nombreuses reprises l’interdiction de se rendre dans certains départements et à l’étranger, ce qu’il a reconnu, expliquant avoir agi pour des motifs familiaux, sans toutefois justifier de la maladie alléguée de son fils, et qu’il ne saurait être reproché au magistrat instructeur d’avoir tardé à répondre à sa demande de modification des obligations du contrôle judiciaire pour justifier son comportement transgressif.
Les juges rappellent que la décision de placement en détention provisoire prise pour sanctionner l’inexécution par la personne mise en examen des obligations du contrôle judiciaire n’a pas à être motivée au regard des exigences de l’article 144 du Code de procédure pénale.
Ils en déduisent que, M. X... s’étant délibérément soustrait dès le début de la mesure de sûreté à l’interdiction de se rendre en Moselle sans motif légitime, la révocation du contrôle judiciaire doit être ordonnée.
En l’état de ces énonciations, la chambre de l’instruction n’a pas méconnu les textes visés au moyen.
En effet, dès lors qu’elle a caractérisé l’existence d’un manquement entrant dans les prévisions de l’article 141-2 du Code de procédure pénale, et souverainement estimé qu’il devait donner lieu à révocation du contrôle judiciaire, la décision de placement en détention provisoire prise pour sanctionner l’inexécution par la personne mise en examen des obligations du contrôle judiciaire n’a pas à être motivée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences de l’article 144 du même Code.
 
Il résulte des articles 80-1 et 137 du Code de procédure pénale que les mesures de sûreté ne peuvent être prononcées qu’à l’égard de la personne à l’encontre de laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d’instruction est saisi.
Il se déduit de l’article 5 1. c de la Convention européenne des droits de l’homme que la chambre de l’instruction, à chacun des stades de la procédure, doit s’assurer, même d’office, que les conditions légales des mesures de sûreté sont réunies, en constatant expressément l’existence de tels indices.
Ce contrôle, propre à la matière des mesures de sûreté, est sans incidence sur la validité de la mise en examen, laquelle ne peut être critiquée que dans le cadre des procédures engagées sur le fondement des articles 80-1-1 et 170 du Code de procédure pénale.
L’obligation susvisée de constater l’existence des indices graves ou concordants cesse, sauf contestation sur ce point, en cas de placement en détention provisoire sanctionnant des manquements volontaires aux obligations du contrôle judiciaire.
En l’absence de contestation, un tel placement en détention provisoire ne doit être motivé qu’au regard des manquements de la personne à ses obligations.
En l’espèce, la chambre de l’instruction, qui n’était pas saisie d’une contestation sur ce point, n’avait pas à s’assurer de l’existence de tels indices ».
Cass. crim., 27 janv. 2021, n° 20-85.990, P+B+I *
 
 
Mandat d’arrêt européen – procédure – remise
« Le 4 février 2020, les autorités judiciaires britanniques ont émis un mandat d’arrêt européen à l’encontre de M. X... aux fins d’exécution d’une peine de quarante-deux mois d’emprisonnement prononcée le 14 janvier 2016 pour agression sexuelle par pénétration.
Ce mandat a été notifié à M. X... le 16 novembre 2020.
Il a refusé sa remise.
 
Aux termes de l’article 62 de l’accord du 12 novembre 2019 relatif au retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique du 17 octobre 2019 : « 1. Au Royaume-Uni, ainsi que dans les États membres en cas de situations impliquant le Royaume-Uni, les actes suivants s’appliquent comme suit : (...) b) la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil s’applique en ce qui concerne les mandats d’arrêt européens lorsque la personne recherchée a été arrêtée avant la fin de la période de transition aux fins de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, quelle que soit la décision de l’autorité judiciaire d’exécution quant au maintien en détention ou à la mise en liberté provisoire de la personne recherchée (...) ».
L’article 62 précité ne subordonne littéralement l’application de la décision-cadre 2002/584/JAI qu’à la seule condition que la personne recherchée ait été arrêtée avant la fin de la période de transition aux fins de l’exécution du mandat d’arrêt européen.
Il ne distingue pas selon que la procédure a été achevée avant cette date ou est toujours en cours à celle-ci.
Il en résulte clairement que lorsque la personne recherchée a été arrêtée avant la fin de la période de transition, soit le 31 décembre 2020 à minuit, aux fins de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis par les autorités judiciaires britanniques, l’exécution de ce mandat reste régie par les règles de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, peu important qu’une contestation soit encore pendante devant les juridictions de l’Etat d’exécution postérieurement à la date précitée.
Cette solution s’impose en outre eu égard à l’objectif poursuivi par l’accord de retrait d’assurer la sécurité juridique dans les relations entre les Etats membres et le Royaume-Uni, postérieurement au retrait de cet Etat, ce qui commande que les procédures judiciaires en cours, initiées durant la période de transition dans l’Etat d’exécution, puissent être achevées selon les règles régissant le droit de l’Union, y compris après la fin de cette période.
Il s’ensuit que l’application correcte de l’article 62 de l’accord de retrait, commandée par son interprétation tant littérale que finaliste, s’imposant avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable, il n’y a pas lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
En l’espèce, M. X... a été arrêté le 16 novembre 2020, soit avant la fin de la période de transition.
Dès lors, c’est à bon droit que la chambre de l’instruction a fait application de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil et des dispositions des articles 695-11 et suivants du Code de procédure pénale.
En conséquence, le grief doit être écarté.
 
Pour ordonner la remise aux autorités judiciaires britanniques de M. X..., absent lors de son procès, qui soutenait qu’il n’avait pas donné mandat à Me Y... pour le représenter lors de celui-ci, l’arrêt énonce que ces autorités ont expressément indiqué dans le mandat d’arrêt que M. X..., informé du procès programmé, avait donné mandat à son conseil de l’y représenter et que ce dernier l’avait effectivement défendu.
Les juges ajoutent qu’il résulte des justificatifs transmis par les autorités judiciaires britanniques et notamment d’un courriel du 15 décembre 2015 que, pour le cas où il ne pourrait venir s’expliquer en personne, M. X... avait effectivement donné mandat de le représenter au conseil qui l’a défendu au procès à l’issue duquel une peine de quarante-deux mois d’emprisonnement à été prononcée à son encontre.
En prononçant ainsi, la chambre de l’instruction qui a fait l’exacte application de l’article 695-22-1, 2° du Code de procédure pénale et n’avait pas à rechercher si l’intéressé se trouvait dans les autres cas prévus par cet article, a justifié sa décision.
Il s’ensuit que les griefs ne peuvent être accueillis ».
Cass. crim., 26 janv. 2021, n° 21-80.329, P+B+I *
 
 
QPC – non renvoi – constitution de partie civile
« La première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l’article 87 du Code de procédure pénale, dont il résulte que le juge d’instruction peut, d’office ou sur contestation du procureur de la République ou d’une partie, déclarer irrecevable une constitution de partie civile après communication du dossier au ministère public dès lors qu’il a, au préalable, mis en mesure l’intéressé de présenter ses observations (Crim. 13 mars 2014, n°14-90.014), portent-elles atteinte au droit à une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties, au principe du contradictoire et aux droits de la défense, tels qu’ils sont garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en ce qu’elles ne prévoient pas, d’une part, que la partie civile concernée puisse prendre connaissance des réquisitions du procureur de la République et, le cas échéant, des écritures déposées par d’autres parties en vue d’influencer la décision du magistrat instructeur sur la recevabilité de sa constitution, d’autre part, qu’elle doive être préalablement informée par le magistrat instructeur, dans le cas où l’irrecevabilité serait relevée d’office, du motif d’irrecevabilité envisagé et, enfin, qu’elle puisse préalablement consulter, à l’instar du ministère public, le dossier de la procédure, en ce compris les pièces sur lesquelles se fondent les réquisitions et, le cas échéant, les écritures déposées par les autres parties ? »

La seconde question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions de l’article 197, alinéa 3, du code de procédure pénale méconnaissent-elles le droit à une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties, le principe du contradictoire, les droits de la défense, et le droit à un recours juridictionnel effectif, tels qu’ils sont garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en ce qu’elles ne permettent ni à la partie civile appelante d’une ordonnance d’irrecevabilité de sa constitution, ni à son avocat pourtant tenu au secret de l’instruction, de prendre connaissance, avant l’audience, du dossier de la procédure auquel sont jointes les réquisitions du procureur général, y compris les pièces sur lesquelles le magistrat instructeur s’est fondé pour rendre l’ordonnance d’irrecevabilité attaquée et celles sur lesquelles le procureur général, qui, pour sa part, a accès au dossier, s’est fondé pour requérir la confirmation de cette décision ?  »

Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure.
Elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.
Les questions, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.
Les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux.

D’une part, les dispositions contestées tendent à éviter qu’une personne qui n’a aucun titre à se constituer partie civile puisse obtenir la communication d’une procédure couverte par le secret de l’instruction et accéder au dossier à l’occasion de la contestation de sa constitution.
D’autre part, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que le juge d’instruction ne peut déclarer irrecevable une constitution de partie civile qu’après avoir au préalable mis en mesure l’intéressé de présenter ses observations (Crim. 3 juin 2014 n°14-90.014, Bull. Crim. n°144).
Enfin, les dispositions des articles préliminaire et 197, alinéa 3, du code de procédure pénale commandent la communication préalable à la partie civile des réquisitions du procureur de la République et, sur appel de la décision d’irrecevabilité, des réquisitions du procureur général.
En conséquence, les dispositions critiquées procèdent d’une conciliation équilibrée entre, d’une part, l’objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public, d’autre part, les droits de la défense, l’équilibre des droits des parties, le principe du contradictoire et le droit au recours garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
 ».
Cass. crim., 26 janv. 2021, n° 20-84.472, P+B+I *


 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 1er mars 2021.
 
 
 
Source : Actualités du droit