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La semaine de la procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
25/05/2021
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale, la semaine du 17 mai 2021.
Enquête préliminaire – vidéosurveillance  – accord
« Le 17 mars 2020, à la suite de plusieurs interventions de police relatives à des plaintes de riverains ou à des demandes émanant du bailleur social SILENE et des services municipaux, une enquête préliminaire a été ouverte pour des faits de trafic de stupéfiants, dans le (Adresse 1), et plus précisément (Adresse 2).
Dans le cadre de cette enquête, les policiers ont, d’une part, sur autorisation renouvelée à deux reprises du procureur de la République, procédé à la pose de systèmes de captation d’images visant des lieux publics et permettant d’observer dans leur ensemble les immeubles situés au (Adresse 3), ces systèmes ayant été installés à l’intérieur de deux appartements situés aux (Adresse 4).
Ils ont d’autre part, sollicité et obtenu du juge des libertés et de la détention, deux autorisations aux fins de mettre en œuvre un système de captation d’images dans des lieux privés, au niveau du hall des immeubles situés au (Adresse 3p), ainsi que pour observer les entrées et couloirs d’accès aux caves de l’immeuble du (Adresse 5).
A la suite de son interpellation et de la perquisition de son domicile dans lequel ont notamment été retrouvés des produits stupéfiants, N O, mineur âgé de plus de 16 ans, a été mis en examen par le juge des enfants des chefs susvisés et placé en détention provisoire.
Par requête déposée le 11 août 2020 devant la chambre de l’instruction, l’intéressé a demandé la nullité des autorisations de captations d’images dans les lieux publics délivrés par le procureur de la République les 8 juin, 24 juin et 8 juillet 2020 et par le juge des libertés et de la détention les 5 juin et 22 juin 2020 ainsi que la nullité de l’ensemble des actes reposant sur les vidéos issues de ces autorisations illégales et notamment sa mise en examen, tout en sollicitant d’être placé sous le statut de témoin assisté.
 
Pour rejeter la requête en annulation des autorisations délivrées par le procureur de la République aux fins de captation d’images sur la voie publique et des actes d’exécution de cette mesure de vidéosurveillance, la chambre de l’instruction rappelle qu’en application de l’autorisation délivrée, un des deux dispositifs de captation d’images a été installé dans un appartement situé au (Adresse 2), le second l’ayant été au (Adresse 2) et que le matériel de surveillance, placé dans le second appartement, a été dérobé le 21 juillet 2020 sans aucune trace d’effraction, les policiers en ayant retrouvé les débris calcinés dans la rampe d’accès à la cave du (Adresse 5), lieu du trafic observé.
Elle retient, après avoir relevé que la caméra de surveillance installée (Adresse 6) démontrait que N.X pouvait être impliqué dans la destruction du matériel dérobé, que la vidéosurveillance de la voie publique constitue, par sa nature même, une ingérence dans la vie privée, et que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme précise qu’il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique ou encore à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales. Elle ajoute que le procureur de la République qui constitue une autorité publique, au sens de l’article 8 de la Convention, tire de la loi et plus particulièrement de l’article 41 du code de procédure pénale un pouvoir d’ingérence dans la vie privée à la condition, toutefois, que cette ingérence s’opère dans un espace public, qu’elle présente un caractère limité dans le temps, qu’elle soit proportionnée à l’objectif poursuivi et que cette mesure se déroule sous son contrôle selon les modalités autorisées.
Les juges constatent ensuite que les autorisations délivrées par le procureur de la République ont été limitées dans le temps, que les pièces de procédure établissent que ce magistrat a été tenu informé du déroulement des mesures et que ces autorisations ont été justifiées par la nécessité d’identifier les auteurs d’un trafic de stupéfiants dans une cité et de déterminer l’ampleur du trafic alors qu’une enquête préliminaire avait été ouverte en raison des plaintes des résidents et du bailleur social, de telle sorte qu’elles apparaissent proportionnées à l’objectif poursuivi, compte tenu du contexte de trafic de cité rendant difficile le travail d’investigation, comme l’illustrent le vol et la destruction du matériel de surveillance installé par les services de police.
Enfin, la chambre de l’instruction relève que les dispositifs de captation d’images de la voie publique ont été installés dans deux appartements du bailleur social SILENE dont le responsable du pôle incluant notamment le (Adresse 1), a sélectionné l’un des appartements qu’il a proposé à sa directrice, après en avoir fait changer la porte d’entrée par des portes spéciales, dont le nombre de clés était limité à deux et dont l’une d’elles a été remise aux services de police, tirant de ces déclarations et constatations le fait que le bailleur social a nécessairement donné son autorisation aux services de police pour accéder à ces lieux.
En l’état de ces énonciations, la cour d’appel a fait l’exacte application des textes visés au moyen.
D’une part, le procureur de la République tient des articles 39-3 et 41 du code de procédure pénale le pouvoir de faire procéder, sous son contrôle effectif et selon les modalités qu’il autorise s’agissant de sa durée et de son périmètre, à une vidéosurveillance sur la voie publique, aux fins de rechercher la preuve des infractions à la loi pénale, ce que la chambre de l’instruction a, par les motifs susvisés, vérifié.
D’autre part, la mise en œuvre d’un dispositif de captation d’images ne nécessite pas l’autorisation du juge des libertés et de la détention lorsque, placé dans un lieu privé, il ne vise qu’à capter, fixer, transmettre ou enregistrer l’image d’une ou de plusieurs personnes se situant sur la voie publique.
Enfin, cette mise en œuvre nécessite l’accord du propriétaire du lieu dans lequel se trouve le dispositif, accord dont l’existence a été également constatée par la chambre de l’instruction.
Dès lors, le moyen doit être écarté.
 
Pour rejeter la requête en annulation des ordonnances délivrées, les 5 et 22 juin 2020, par le juge des libertés et de la détention, autorisant la captation d’images dans les halls des immeubles situés au (Adresse 11) et dans l’entrée de la cave et les couloirs de la cave de l’immeuble situés au (Adresse 12), constituant des lieux privés, la chambre de l’instruction retient que N. X, qui ne demeure pas au (Adresse 12), ou n’y réside pas, même occasionnellement, et dont l’image n’a pas été captée dans le cadre de ces dispositifs, n’a pas qualité pour invoquer la nullité des captations réalisées en exécution desdites ordonnances.
En statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a fait que répondre au moyen sur lequel s’appuyait le requérant pour démontrer la recevabilité de son action, a, par des motifs dénués de contradiction ou d’insuffisance, justifié sa décision.
Dès lors, le moyen n’est pas fondé ».
Cass. crim., 18 mai 2021, n° 20-86.266, F-P *
 
 
Attentat – mise en accusation
« Un attentat a été commis le 3 octobre 1980 aux abords de la synagogue de la rue Copernic à Paris. Quatre passants ont trouvé la mort et une quarantaine de personnes ont été blessées ; de nombreux dégâts matériels ont été occasionnés.
Il a été établi qu’une charge explosive avait été disposée sur une motocyclette, dont certains débris ont été relevés sur place.
Ce véhicule avait été acheté à Paris, le 23 septembre 1980, par un homme se présentant sous l’identité d’[C] [Z], de nationalité chypriote, qui avait passé la nuit du 22 au 23 septembre dans un hôtel à Paris, où il avait rempli une fiche. Un homme, interpellé pour vol à Paris, le 27 septembre 1980, avait présenté un passeport chypriote à ce nom, et ce document s’est révélé faux.
Le 8 octobre 1981, M. W. V, chef des opérations spéciales du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) a été arrêté à l’aéroport de Rome, en provenance de Beyrouth, en possession d’un passeport authentique au nom M. A. X, délivré par les autorités libanaises, mentionnant des déplacements en Grèce et en Espagne, entre août et octobre 1980.
Il est apparu que M. X avait sollicité la délivrance d’un nouveau passeport auprès de la sûreté générale libanaise, ayant déclaré avoir égaré le sien en avril 1981, alors qu’il l’avait mis dans une valise, perdue à Beyrouth, lors d’un trajet en motocyclette.
Un procès-verbal de la brigade criminelle, dressé en novembre 1981, indique qu’un service de police étranger avait précisé détenir des informations imputant l’attentat de la rue Copernic à cinq terroristes palestiniens, dont l’un, nommé A, ayant pour nom de code Hamer, était connu à Beyrouth.
Un rapport de la Direction de la Surveillance du Territoire, établi en 1999, a relevé des éléments selon lesquels l’attentat aurait été préparé à Paris par M. D. U et Mme E. T, arrivés respectivement d’Athènes et de Beyrouth, l’auteur de l’attentat étant M. X, qui aurait loué la motocyclette et confectionné la bombe dans sa chambre d’hôtel, l’équipe étant venue à Paris depuis Madrid, avant de revenir dans cette ville après l’attentat.
En exécution d’un mandat d’arrêt délivré par le juge d’instruction, M. X a été interpellé le 13 novembre 2008 à Ottawa (Ontario-Canada) où il demeurait depuis 1989, ayant obtenu la nationalité canadienne en 1993.
La procédure d’extradition a ti à la remise de M. X le 15 novembre 2014, et ce dernier a été mis en examen le même jour.
M. X a nié toute implication dans les faits. Il a déclaré n’avoir jamais adhéré à un parti ou une association, n’avoir été militant d’aucune cause, ne pas s’être impliqué dans la question palestinienne - il est issu d’une famille chiite libanaise - et être opposé à toute action violente.
Il a affirmé qu’au début du mois d’octobre 1980, il se trouvait à Beyrouth et préparait ou passait ses examens, auxquels il avait été reçu. C’est ainsi qu’il s’était inscrit en deuxième année le 30 octobre 1980. Il a indiqué avoir conduit Mme F. S à l’aéroport de Beyrouth le 28 septembre 1980, laquelle partait à Londres.
Quant au passeport découvert à Rome entre les mains d’un tiers, le mis en examen a indiqué se souvenir de l’avoir utilisé pour voyager en Grèce en août et jusqu’au 12 septembre 1980 avec Mme S, et l’avoir perdu peu de temps après son retour au Liban.
Par ordonnance du 12 janvier 2018, les juges d’instruction co-saisis de la section anti-terroriste du tribunal judiciaire de Paris ont rendu à l’égard de M. X une ordonnance de non-lieu.
Le ministère public a interjeté appel, ainsi que plusieurs parties civiles, Mmes et MM. G, R, H, Q, I et J, P, K et B. Y, l’association LICRA, l’association Familles de l’attentat du DC10 d’UTA, l’association française des victimes du terrorisme et l’association Union libérale israélite de France.
 
Pour infirmer l’ordonnance des juges d’instruction et ordonner la mise en accusation de M. X et son renvoi devant la cour d’assises, l’arrêt attaqué énonce notamment qu’une information émanant d’un service de renseignement ne peut avoir pour effet d’asseoir une culpabilité, mais peut fournir des axes de recherches, et conforter des éléments et des charges éventuelles, ou au contraire les infirmer.
Les juges ajoutent qu’en l’espèce, les informations reçues sous cette forme, dont les sources sont incertaines, viennent conforter les autres éléments pesant sur M. X.
Ils concluent que lesdits renseignements doivent s’apprécier à l’aune de certains témoignages et éléments d’enquête relatifs à l’éventuelle appartenance de la personne mise en examen au FPLP-OS.
En l’état de ces seules énonciations, la chambre de l’instruction n’a méconnu aucun des textes visés au moyen.
En effet, si le recueil de renseignement ne peut être mis en oeuvre pour constater des infractions à la loi pénale, les informations émanant des services de renseignement, régulièrement versées dans une procédure judiciaire et soumises au débat contradictoire, peuvent être prises en compte en ce qu’elles ont guidé les investigations, bien qu’elles ne puissent, à elles seules, fonder une déclaration de culpabilité.
Dès lors, le moyen n’est pas fondé.
 
Pour infirmer l’ordonnance des juges d’instruction et ordonner le renvoi de M. X devant la cour d’assises, l’arrêt attaqué, en réponse à l’argumentation du demandeur qui soutenait qu’il se trouvait au Liban lors de l’attentat, énonce que la seule certitude provenant de l’université est que M. X a réussi ses examens de première année et s’est inscrit pour la deuxième année le 30 octobre 1980, mais que la date exacte de ces examens n’a pas pu être retrouvée dans les archives de l’établissement, que les auditions réalisées sur commission rogatoire internationale au Liban n’ont pas apporté d’éléments plus précis, qu’il en résulte cependant qu’il faut en général compter un délai d’un mois et demi à deux mois entre les épreuves et la proclamation des résultats.
Les juges retiennent également que si Mme S a fait état, tardivement, de ce que M. X l’avait accompagnée le 28 septembre 1980 à l’aéroport de Beyrouth, ce fait n’est pas confirmé par le père de celle-ci, qui avait fait le voyage avec elle.
Ils en concluent qu’une éventuelle présence de l’intéressé au Liban en septembre ou en octobre 1980 n’empêche nullement qu’il se soit rendu quelques jours à Paris ou en Espagne au tout début du mois d’octobre.
Les juges soulignent par ailleurs que M. X a sollicité la délivrance d’un nouveau passeport, le 17 mai 1983, et aurait indiqué avoir perdu le précédent en avril 1981, avant d’affirmer l’avoir égaré au retour d’un voyage en Grèce, en septembre 1980 ce qui signifierait que le visa d’entrée en Espagne aurait été accordé en quelques jours. Les juges en déduisent que cela rend probable que tous les visas délivrés pour les mois de septembre et d’octobre 1980 aient été accordés au titulaire du passeport, M. X lui-même.
L’arrêt relève encore les dépositions de M. GH ST, lui-même ancien membre du FPLP, qui a déclaré en 1988 que M. X faisait partie du PTSA, qualifié de "vitrine politique du FPLP sur la scène libanaise", qu’il a confirmé ses déclarations en 2008, et de Mme IJ QR ayant cité M. X et sa femme Mme S comme membres du FPLP, précisant que cette dernière avait milité au sein de ladite structure dans les années 1975-1976. Ils se réfèrent par ailleurs à des éléments qui laissent à penser que M. X a fréquenté des membres du FPLP.
En l’état de ces motifs, outre ceux qui ne font pas l’objet des griefs des moyens, la chambre de l’instruction, à laquelle il appartient d’apprécier la valeur des éléments recueillis par l’information et de se prononcer sur l’existence des éléments dont elle estime souverainement qu’ils sont ou ne sont pas à charge, a répondu aux articulations essentielles du mémoire du mis en examen, et, sans insuffisance ni contradiction, justifié sa décision.
En effet, les juridictions d’instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen constituent une infraction, la Cour de cassation n’ayant d’autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement.
Ainsi, les moyens doivent être écartés ».
Cass. crim., 19 mai 2021, n° 21-80.849, F-P *
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 25 juin 2021.
 
 
 
Source : Actualités du droit