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Bracelet anti-rapprochement : le décret d’application publié

Pénal - Informations professionnelles
24/09/2020
Le décret relatif à la mise en œuvre d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement a été publié le 24 septembre 2020 au Journal officiel. Il précise les modalités d’application du dispositif et créé un traitement de données à caractère personnel. 
Pour mémoire, la loi visant à agir contre les violences au sein de la famille a été publiée au Journal officiel le 29 décembre 2019 (L. n° 2019-1480, 28 déc. 2019, JO 29 déc., v. La loi visant à lutter contre les violences au sein de la famille publiée !, Actualités du droit, 2 janv. 2020). Composé de 19 articles, le texte généralisait notamment le bracelet anti-rapprochement.
 
Ce dispositif permet de géolocaliser l’auteur des violences en temps réel, grâce à un bracelet, et également la victime via un boîtier. Il est possible en cas de placement sous contrôle judiciaire. Recourir à cette mesure est ainsi possible en cas d’infraction commise contre son conjoint, son concubin ou le partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité, y compris lorsqu'ils ne cohabitent pas ou sont séparés, punie d’au moins trois ans, à la demande ou avec le consentement exprès de la victime.
 
La loi visant à protéger les victimes de violences conjugales publiée au Journal officiel du 30 juillet 2020 est venue préciser que le juge qui prononce cette interdiction doit fixer la distance à respecter (L. n° 2020-936, 30 juill. 2020, JO 31 juill., v. Protection des victimes de violences conjugales : la loi est publiée, Actualités du droit, 3 août 2020 et v. Lutte contre les violences conjugales : une circulaire pour les dispositions de droit pénal, Actualités du droit, 2 sept. 2020).
 

Un décret attendu
Précisons alors que la loi du 28 décembre 2019 prévoyait qu’un décret d’application soit publié. C’est désormais chose faite. Ce texte précise l’application des dispositions de nature pénale et civile relatives au bracelet anti-rapprochement. 
 
La décision du port d’un bracelet anti-rapprochement peut être prononcée aussi bien dans le cadre d’une procédure pénale par ordonnance du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention, que dans le cadre d’une procédure civile, par le juge aux affaires familiales ainsi, le décret vient modifier le Code de procédure pénale et le Code de procédure civile. 
 
Deux axes importants dans le décret :
- les modalités de mise en œuvre du dispositif électronique mobile anti-rapprochement ;
- la création d’un traitement de données à caractère personnel visant à assurer le contrôle à distance des personnes placées sous ce dispositif électronique.
 

Précisions sur les modalités de mise en œuvre du bracelet anti-rapprochement
Le décret vient modifier le Code de procédure pénale et y ajoute des articles R. 24-14 à R. 24-24.
 
Le texte précise que la décision de port du bracelet anti-rapprochement doit être prise par ordonnance motivée rendue :
- soit par le juge d’instruction, « au vu des réquisitions écrites du procureur de la République dont il est donné lecture à la personne mise en examen, et après avoir entendu les observations de cette personne et celles de son avocat » ;
- soit par le juge des libertés et de la détention, « qui statue soit au vu des réquisitions écrites du procureur de la République dont il est donné lecture à la personne mise en examen et après avoir entendu les observations de cette personne et celles de son avocat, soit après un débat contradictoire conformément à l'article 145 ».
 
À noter que la décision peut « être décidée, sans débat contradictoire ou recueil préalable des observations de la personne et de son avocat, par ordonnance statuant sur une demande de mise en liberté ou décidant d'une mise en liberté d'office ».
 
Les services pénitentiaires convoquent l’auteur et posent le bracelet.


Quelle distance ?
La décision doit fixer les conditions d’exécution et les distances de pré-alerte et d’alerte séparant la victime de la personne placée sous contrôle judiciaire. Le décret précise que :
- la distance d’alerte « ne peut être inférieure à un kilomètre, ni supérieure à dix kilomètres » ;
- et la distance de pré-alerte « est égale au double de la distance d’alerte ».
 
Pour déterminer cette distance, le juge doit :
- concilier « la nécessité de protection de la victime avec le respect de la dignité, de l'intégrité et de la vie privée, familiale et professionnelle de la personne porteuse du bracelet » ;
- veiller à ce que la mise en œuvre de la mesure « n'entrave pas son insertion sociale, en tenant notamment compte de la localisation respective des domiciles et lieux de travail de cette personne et de la victime, de leurs modes de déplacements, et de la typologie de leur lieu de vie, rural ou urbain ».
 
Notamment, le juge peut préciser que le porteur du bracelet peut être autorisé à être présent à des heures et des lieux déterminés, notamment si ces lieux se trouvent dans une zone d’alerte ou de pré-alerte « afin de garantir le respect des droits et libertés ».
 
S’agissant de la durée, la mesure est ordonnée « pour une durée qui ne peut excéder six mois ». Renouvelable sous certaines conditions, la durée totale ne peut dépasser deux ans.
 

Les informations à avoir
La personne placée sous contrôle judiciaire avec interdiction de se rapprocher de la victime et port d’un bracelet anti-rapprochement doit être informée que :
- la pose du bracelet comportant un émetteur ne peut s’effectuer sans son consentement mais « le fait de la refuser constitue une violation de ses obligations pouvant donner lieu à la révocation de son contrôle judiciaire et à son placement en détention provisoire » ;
- la méconnaissance de la distance de pré-alerte « donne lieu à un contact par les personnes habilitées chargées du contrôle à distance l'avertissant de son rapprochement de la victime et du risque de méconnaissance de la distance d'alerte » sachant qu’elle ne peut donner lieu à révocation du contrôle judiciaire ;
- un rapprochement volontaire ou provoqué, en méconnaissance de la distance d’alerte constitue une violation de l’interdiction faite ;
- « en cas de nécessité » les personnes chargées du contrôle à distance prennent attache avec la personne protégée pour assurer sa mise en sécurité et si besoin, alertent les forces de l’ordre pour assurer sa protection ;
- si elle ne s’assure pas du rechargement périodique du dispositif pour garantir son fonctionnement à tout moment, constitue une violation des obligations auxquelles elle est astreinte.
 
Toute violation pouvant donner lieu à la révocation de son contrôle judiciaire et à son placement en détention provisoire.
 
La personne protégée se voit attribuer un dispositif de téléprotection, elle est avisée :
- qu’en cas de nécessité, les téléopérateurs chargés du contrôle prennent son attache pour assurer sa mise en sécurité ;
- qu’elle peut contacter directement le téléopérateur à tout moment.
 
Le décret précise que « Si l'interdiction de rapprochement imposée à la personne mise en examen conduit, du fait notamment de rapprochements imputables tant à ses déplacements qu'à ceux de la victime, à un nombre important d'alertes portant une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, elle peut, ainsi que la victime, à tout moment de la mesure, demander à ce que les distances d'alerte et de pré-alerte soient révisées, ou qu'il soit mis fin à l'obligation de port du bracelet. Le juge d'instruction statue alors selon les modalités de l'article 140. Cette décision peut être également prise d'office par le juge d'instruction ».
 

Le traitement des données personnelles
Le décret ajoute un titre VII Quater dans le livre V du Code de procédure pénale. Il prévoit que « Le ministre de la justice (direction de l'administration pénitentiaire) est autorisé à mettre en œuvre le traitement automatisé de données à caractère personnel, dénommé “Bracelet anti-rapprochement” ». Le traitement est placé sous le contrôle d’un magistrat. Il a pour finalité :
- d’assurer le contrôle à distance des personnes placées sous dispositif électronique anti-rapprochement ;
- de mettre en œuvre un dispositif technique destiné à garantir l’effectivité de l’interdiction faite à la personne de rencontrer la personne protégée.
 
Le traitement permet donc :
- d’alerter les personnels habilités chargés du contrôle s’il y a méconnaissance des distances de pré-alerte ou d’alerte et s'il y a une altération du fonctionnement du dispositif technique ;
- de localiser la personne protégée et celle porteuse du bracelet pour prendre les mesures de protection appropriées lorsqu’une alerte est émise.
 
« Le traitement poursuit également une finalité statistique » note le décret.
 
Le texte liste également :
- les données à caractère personnel et les informations pouvant être enregistrées « dans la stricte mesure où elles sont nécessaires à la poursuite des finalités » du traitement au nouvel article R. 61-44 du Code de procédure pénale ;
- les personnes pouvant accéder à ces données à caractère personnel et informations aux articles R. 61-45, R. 61-46 et R. 61-47 ;
- la conservation pendant la durée du placement sous dispositif électronique mobile anti-rapprochement ainsi qu’à la fin à l’article R. 61-48.
 
À noter que « Toute opération de collecte, de modification, de consultation, de communication et d'effacement des données à caractère personnel et informations font l'objet d'un enregistrement comprenant l'identification de l'utilisateur, la date, l'heure et la nature de l'intervention dans ce traitement. Ces informations sont conservées pendant une durée de trois ans ».
 

Le bracelet anti-rapprochement dans le cadre d’une procédure civile
Le décret du 24 septembre permet aussi au juge aux affaires familiales de prononcer la décision du port d’un bracelet anti-rapprochement dans le cadre d’une procédure civile. Le texte vient alors insérer une section II quater au chapitre V du titre I du Livre troisième du Code de procédure civile.
 
Il organise le consentement pour le port d’un dispositif mobile anti-rapprochement, la durée de la mesure, les distances, les informations à transmettre, la mainlevée du dispositif, etc.
 

1 000 bracelets anti-rapprochement disponibles en 2020
Eric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, a précisé que « 1000 bracelets vont être déployés dans toutes les juridictions de France d’ici décembre », à commencer par les juridictions d'Angoulême, de Bobigny,de  Douai, de Pontoise et d'Aix-en-Provence.
 
Il affirme alors que, promesse du Grenelle de violences conjugales, elle a été tenue.
 
 
Source : Actualités du droit